Un monument rappellera les pages douloureuses de l’histoire arménienne

( Le Dauphiné Libéré – 18 mai 1982 )

82La communauté arménienne tenait à ce que le souvenir du génocide, dont fut victime ce peuple en 1915, soit très apparent. Grâce à une souscription, elle a pu faire ériger un monument en bordure de la rue du 24 avril 1915 (qui rappelle aussi cette dramatique période) à Estressin. Il est l’oeuvre du sculpteur Toros, de Romans, et d’une hauteur de 3,70 m, en cuivre. Il représente un homme qui évoque puissamment les souffrances d’un peuple.
L’inauguration était placée sous la présidence de M. Louis Mermaz, maire, président de l’assemblée nationale, qui avait à ses côtés M. Eudeline, vice-président du conseil général, de nombreux membres du conseil municipal; Mgr Norvan Zakarian, évêque de la région Rhône-Alpes (qui avait célébré la messe le matin). On notait aussi la présence de M. Cateau, commissaire de police, de l’adjudant-chef Guerpillon, représentant le chef d’escadron commandant la compagnie de gendarmerie; M. Krikorian, adjoint au maire de St Chamond.
Les communautés arméniennes de différentes villes de la région Rhône-Alpes et d’ailleurs avaient envoyé des délégations. Dans un groupe de Viennois, on reconnaissait M. Derderian, président des combattants arméniens dans l’armée française de 1914-1918 et 1939-1945; Mme Maghakian, présidente de la Croix Bleue arménienne; M. Avédikian, président de l’Union Sportive Générale Arméniennes; M. Tchoboian, responsable du Dashnaktsoutioun.
Autour de la place, étaient brandies des pancartes sur lesquelles on lisait, entre autres : “Peuple arménien, peuples opprimés, solidarité”, “La Turquie doit reconnaître et condamner le génocide arménien”.
M. Loussarévian, président de l’Union nationale arménienne, rappelait les évènements sanglants de 1915 : déportation, massacres, qui aboutirent à la mort de un million cinq cent mille Arméniens. Il souligna la volonté des Arméniens de voir condamner ce qui s’est passé et d’obtenir réparation, ajoutant : “Faut-il s’étonner que le jeunesse radicalise cette lutte?”. L’orateur remerciait M. Mermaz et la ville de Vienne qui sont aux côtés de la communauté arménienne.
M. Mermaz parlait des liens qui existent depuis longtemps entre la France et le peuple arménien. Il ajoutait : “Inaugurer ce monument est pour le conseil municipal l’occasion de saluer la communauté arméniennes installée ici. Son intégration à la vie locale fut aussi remarquable que son attachement à perpétuer le souvenir et les traditions”.
Le maire poursuivait : “Cette cérémonie, à laquelle le conseil municipal a souhaité apporter une contribution financière, nous permet de rappeler ces liens profonds. L’amitié qui unit tous ceux qui sont aujourd’hui rassemblés est le garant d’une coopération étroite entre votre communauté et l’ensemble de la population viennoise”.
“Tous ceux qui entourent aujourd’hui la communauté arménienne de Vienne et les communautés venues de toute la France témoignant une nouvelle fois de la volonté de la France de voir reconnaître officiellement le génocide de 1915, comme le réaffirmait récemment le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, M. Deferre, rappelant le 20 avril 1982 devant l’assemblée nationale, la position du gouvernement français et regrettant l’interprétation donnée par les autorités turques des évènements douloureux de 1915”.
“En effet, la France croit à la force des idées. Elle croit à la force du souvenir. Le souvenir avec et pour ceux qui ont souffert est un devoir d’honneur. L’hospitalité de la France ne serait pas complète sans cela. Les Français d’origine arménienne le savent d’autant mieux qu’ils sont aujourd’hui nos compatriotes et qu’ils partagent avec nous les épreuves comme les joies de la patrie”.
MM. Mermaz et Loussarevian dévoilaient la statue et des fleurs étaient déposées au pied du monument qui était ensuite béni par Mgr Norvan Zakarian.