60 ans au service de la langue arménienne

( Patrick Tchoboian – Gamk – 23 octobre 1989 )

89La section de Vienne de la Croix Bleue a vu le jour en 1929 et, dès sa création, elle aura à coeur de mettre sur pied une école où, chaque semaine, des enfants pourront venir se familiariser avec la langue, la culture et l’histoire arméniennes. Cette école, qui aura jusqu’à 150 élèves à la fin des années 30, va permettre à plusieurs milliers d’enfants de s’imprégner de l’identité arménienne pour, à leur tour, servir la communauté.
Beaucoup de villes ont eu et ont encore leur “école arménienne”. Mais, pour tenir 60 ans, imagine-t-on réellement la somme d’efforts, de dévouement et d’abnégation que cela suppose ?
Un tel évènement se devait d’être fêté. Mais, au-delà de l’évènement, la Croix Bleue de Vienne a voulu rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui, au prix parfois de grands sacrifices, ont apporté leur contribution à cette tâche ingrate, mais ô combien exaltante et nécessaire.
Au cours du gala, dont nous parlerons par la suite, les noms des anciens maîtres et maîtresses ont été lus. Des noms qui, pour les plus jeunes, ne sont plus que des noms, mais qui évoquaient tant de souvenirs et réveillaient tant de nostalgie chez les plus âgés. Une de ces anciennes institutrices, Madame Yopouyan, est d’ailleurs montée sur la scène pour dire, avec des mots simples, mais pleins de sincérité, que l’école commence d’abord dans la famille, dès le plus jeune âge. Cela, on l’a dit, on l’a écrit et on l’a répété des milliers de fois; et il faudrait encore le faire, tant cette affirmation est fondamentale.
Près de 300 personnes avaient donc répondu le dimanche 15 octobre à l’appel de la Croix Bleue et s’étaient retrouvées au Théâtre municipal de Vienne pour un gala placé sous la parrainage de Mgr. Norvan Zakarian, Evêque des Arméniens de la Région Centre-France.
Le spectacle débuta par deux chants interprétés par les enfants de l’école; une école qui offre, par rapport à d’autres, l’originalité d’être bi-hebdomadaire. En effet, à côté des cours dispensés le samedi, la Croix Bleue de Vienne, en collaboration avec la Maison de la Culture Arménienne, a ouvert une autre série de cours les mercredis après-midi. Sur le nombre total d’élèves (une cinquantaine), près de moitié vient les deux jours.
Après ces deux chants, interprétés avec beaucoup d’enthousiasme, ce fut au tour de l’Ensemble Instrumental Traditionnel Arménien de présenter toutes les faces de leur talent. Et, du talent, ils en ont beaucoup. Leur prestation fut une véritable révélation pour beaucoup de spectateurs qui, bien souvent, de la musique arménienne ne connaissent que des versions où le mauvais goût rivalise avec l’électronique. Que ce soit dans les oeuvres vocales ou instrumentales, la qualité de l’exécution était remarquable. Voilà en tout cas une formation que l’on se doit de connaître et de faire connaître.
En fin de première partie, Mme Tatéossian, accompagnée au piano par Melle Mouradian, nous offrit deux chants de Komitas et Alemshah. Mme Tatéossian, dont la voix est toujours aussi belle, a pendant de longues années apporté son concours à toutes les manifestations organisées au sein de notre communauté.
En début de 2e partie, un temps fort de ce gala : l’intervention de M. Garo Hovsepian de Marseille. En langue arménienne puis française, l’orateur commença d’abord par évoquer les rôles multiples de la Croix Bleue pour en venir à sa fonction éducative avec la création de toutes ses écoles hebdomadaires. Des écoles, qui ont certes des défauts et dont il ne faut pas attendre des miracles, mais des écoles qui, au-delà de l’apprentissage de la langue, éveillent chez l’enfant la conscience et la fierté de ses origines.
Dépassant le cadre de l’école hebdomadaire, Garo Hovsepian aborda ensuite le thème plus général de la langue arménienne, symbole d’une culture originale qui a su traverser tant de siècles d’une histoire tragique et tourmentée, symbole aussi de l’unité d’un peuple éclaté aux quatre coins du monde. L’école arménienne doit vivre. Elle seule peut former des Arméniens conscients et à même de mener les combats de demain.
Après cette intervention chaleureusement applaudie, l’Ensemble Instrumental traditionnel Arménien nous offrit une seconde partie tout aussi remarquable que la première. Puis le gala s’acheva par une présentation de “costumes des provinces d’Arménie” : onze costumes, magnifiquement brodés et travaillés, s’étalant sur une période de près de 15 siècles. A noter un costume du 5e siècle d’une modernité surprenante.
Le mot de la fin revint à Mgr. Zakarian qui salua à son tout le travail mené par la Croix Bleue de Vienne.