Aux arméniens de Vienne : “Vous devez vous sentir chez vous”

( M.P. Girard-Blanc – Le Progrès – 8 janvier 1984 )
84_1   84

Invité sur prise des Arméniens de Vienne, qui célébraient la fête de Noël, le Président de la République, aux côtés du maire, Louis Mermaz, a affirmé que la France voulait, en toutes circonstances, “rappeler l’identité arménienne marquée par le grand drame du génocide”.
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre parmi les étals du marché: la visite surprise de François Mitterand à Vienne, aux côtés de Louis Mermaz, député-maire, président de l’Assemblée nationale, a plongé la ville et plus particulièrement la communauté arménienne dans l’allégresse.
Il s’agissait pour Louis Mermaz et les élus de présenter leurs voeux à la communauté arménienne. François Mitterrand, qui le matin inaugurait une usine de robotique à Bourgoin, a tenu à saluer amicalement Viennois et Arméniens avant de déjeuner au domicile personnel du président de l’Assemblée nationale.

Aux côtés de Louis Mermaz, François Mitterrand s’est attardé à serrer des mains sur le marché. Des poignées de mains ont également été échangées avec des forains. Ces minutes bien sympathiques ont marqué l’arrivée impromptue du président.
A l’occasion du Noël arménien, Louis Mermaz souhaitait donc présenter ses voeux à la communauté : cette manifestation annoncée depuis plusieurs jours présentait un caractère original, car pour la première fois, à l’occasion des voeux, Louis Mermaz s’adressait à la communauté arménienne en tant que telle : “Je témoigne ici de ma sollicitude à la communauté arménienne. Je tenais à vous honorer et vous remercier de votre contribution à la vie économique, sociale, culturelle de Vienne, également dans la région et en France”, notait Louis Mermaz avant d’évoquer le passé historique et culturel des relations avec la diaspora.

Faisant allusion à l’un de ses discours précédant son élection à la présidence de la République, François Mitterrand dira à plusieurs reprises cette phrase : “La communauté arménienne représente l’une des richesses de la France, je continue de le penser”.
Le 40e anniversaire de la mort de Manouchian sera célébré cette années avec plus d’ampleur. François Mitterrand notait ceci dans son allocution : “Il fut l’un des grands héros de la résistance française” et à propos du génocide de 1915 : “Il faut que cela s’inscrive dans la mémoire des hommes, il n’est pas possible d’effacer sa trace”.
Les paroles de fraternité, prononcées par le président de la République, qui ont particulièrement touché l’assemblée hier, furent probablement celles-ci : “La France est l’un des pays au monde où vous devez vous sentir chez vous. Sentez-vous parmi nous! Vous avez une façon d’être, de préserver une culture qui m’intéresse au plus haut point”.
Une visite éclair empreinte de sollicitude qui marque d’un coup d’éclat ce début d’année à Vienne.

LE PRESIDENT A LA COMMUNAUTE ARMENIENNE :
“LA FRANCE FORTE DE SES DIVERSITES”

( Jean-Louis Craponne – Le Dauphiné Libéré – 8 janvier 1984 )

“C’est une grande joie et un grand honneur pour la communauté arménienne et pour la ville que de vous recevoir ici aujourd’hui”.
C’est ainsi que Louis Mermaz, député-maire de Vienne et président de l’Assemblée nationale, accueillait hier matin le président François Mitterrand dont la visite surprise allait très vite devenir un symbole. Car, lors de cette réception offerte par la municipalité à la communauté arménienne viennoise, la seule présence du président était déjà significative.
Après que Louis Mermaz eût rappelé la fidélité des Arméniens à leur tradition et leur attachement à la liberté (“Dès 14-18, vous étiez de ceux qui combattaient pour la liberté” ou encore “Vous êtes Français, vous faites partie du pays de la chair des libertés”), le président de la République allait suivre la voie qui venait d’être ouverte en l’approfondissant.
François Mitterrand, à travers un discours dont la détermination n’excluait pas la finesse, sut se situer dans une tradition éminemment française, celle de la fraternité : “Il y a chez nous une grande communauté arménienne reçue fraternellement dans notre pays, à qui elle a fourni citoyens et soldats. Du reste, en février, nous entendons donner une coloration particulière à la commémoration de la mort de Missak Manouchian, héros de la Résistance”.
Evoquant ensuite la grande tradition historique, artistique et littéraire de l’Arménie, le président dit encore, lançant un appel du coeur à nous enrichir de nos mutuelles différences : “La France est forte de ses diversités”. “Des peuples asiatiques, victimes de grands drames, le peuple arménien, rappela le président, est de ceux qui ont le plus souffert”.
“Qu’on sache cependant que ce peuple, riche de ressources, n’appartient pas au passé, mais au présent et qu’il compte pour l’avenir”.
François Mitterrand, avec habilité, fit sobrement allusion à certains actes de terrorisme qui sont le fait d’éléments extérieurs à la France, “actes que nous condamnons tous et qui ont pour seul prétexte un geste amical que la France a pu avoir”.
Discours symbole assurément. La France terre d’accueil, la France fraternelle, la France du coeur, mais encore la France déterminée à imposer le respect des différences. Voilà ce que le président a su faire passer en filigrane. N’a-t-il pas dit aussi: “Je veille en permanence dans les instances internationales à ce que notre position à ce sujet soit claire”.
Et puis, au sortir de cette salle où les Arméniens l’avaient chaleureusement accueilli et applaudi, sur ce marché viennois du samedi matin, le président serra de nombreuses mains.
Il joignait ainsi le geste aux paroles qu’il venait de prononcer.