Un débat sur la reconnaissance du génocide arménien

( H.L. – Le Dauphiné Libéré – 24 octobre 1998 )

98Pour mémoire, l’Assemblée nationale a reconnu le 29 mai dernier le génocide arménien par les Turcs en 1915. Ce vote doit maintenant être entériné devant le Sénat.
Cette reconnaissance est apparue comme un évènement capital à toute la communauté arménienne. En effet c’est la première fois que le mot génocide est employé. C’est aussi la première fois qu’un grand pays occidental reconnaît officiellement ce fait historique : “C’est une reconnaissance qui risque de faire tâche d’huile puisque les Parlements italien, allemand et britannique discutent de l’adoption d’une reconnaissance identique”, explique Patrick Tchoboian. A noter également que ce vote s’est fait à l’unanimité des députés présents. “Mais ce vote, ajoute Patrick Tchoboian, n’est qu’une étape qui appelle d’autres étapes en France – vote du sénat – et en Europe pour arriver à l’étape finale : la reconnaissance par la Turquie”.
La reconnaissance par l’Assemblée Nationale est intervenue après le changement de gouvernement en Arménie. Ce n’est pas anodin puisqu’avant l’arrivée de Robert Kotcharian au pouvoir, l’Arménie n’avait aucune position officielle. Or le nouveau président, devant l’assemblée des Nations Unies il y a quelques semaines, a dit clairement que la reconnaissance du génocide est l’un des axes de la diplomatie arménienne.
Jean-Paul Bret, qui a contribué avec René Rouquet à faire inscrire le vote à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale, avait été convié pour venir faire un peu l’historique de ce vote. Il expliquait que “la connaissance de la chose et la voir reconnue relève de la conscience” et qu’il s’était “trouvé en situation d’agir en tant que député”. “On a eu un coup d’audace : la conjoncture a fait que ce qui n’avait pas été fait pendant 20 ans a été réalisé”.
Il qualifiait l’intervention de Lionel Jospin le 15 avril précédent “d’un peu désespérante”, alors que précisément “il y avait une espérance de la communauté arménienne”.
“Le communiqué du Premier Ministre est apparu comme une douche froide. Le côté plat de la réponse est ce qui a provoqué chez moi et d’autres une réaction. Là-dessus on a saisi une niche parlementaire pour déposer un projet de loi. Nous avons choisi une proposition de loi très simple : la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. Une proposition qui peut poser quelques problèmes constitutionnel-lement puisque l’Assemblée Nationale ne vote plus de résolutions”. Pour le moment le Sénat n’a pas encore voté, mais d’après le député du Rhône les délais d’attente sont à ce jour normaux.
Il concluait : “Dans ma vie de parlementaire on pose moralement le problème en termes de réparation. On fait avancer la réalité de l’Histoire”.
On notait en particulier à ce dîner-débat la présence de nombreux membres de la communauté arménienne viennoise et des conseillers généraux Gérald Eudeline et Jacques Remiller.