( Jean-Yves Estre – Le Dauphiné Libéré – 24 septembre 1985 )
C’était un vieux rêve.
Il y a longtemps qu’on en parlait, longtemps qu’on y travaillait et même, ces derniers temps, les travaux avaient pris un rythme accéléré, aucune bonne volonté n’étant de trop dans cette oeuvre commune. Mais le résultat est là : la Maison de la Culture Arménienne a ouvert ses portes, rue du Cirque (dans ce qui fut autrefois le “Centre catholique”) et elle a été inaugurée officiellement dimanche après-midi, en présence du président de l’Assemblée nationale et de Mme Mermaz, de M. Monchovet, commissaire-adjoint de la République, du lieutenant-colonel Bareth, commandant la place d’armes de Vienne, de M. Jacques Remiller, conseiller général de Vienne-sud, du lieutenant Blanche, représentant le commandant de gendarmerie Kahn, de MM. Eudeline, Gueffier et Odet, adjoints au maire, ainsi que des représentants des organisations arméniennes : la Croix Bleue, le Nor Seround, le Parti socialiste arménien, l’Union nationale arménienne, l’Union générale arménienne de bienfaisance, l’Union sportive générale arménienne, etc.
L’une des personnalités les plus entourées était le père Joseph Lévonian qui exerça son ministère de longues années à Vienne, célébrant le culte catholique de rite arménien à Saint Martin, et qui était véritablement l’âme de la communauté arménienne viennoise.
Avec 2 500 membres, la communauté arménienne de Vienne arménienne de Vienne est l’une des plus importantes de France – l’une des plus vivantes aussi – avec celles de Marseille, de Valence, de la banlieue Est de Lyon et d’Alfortville. Et si elle a su parfaitement s’intégrer à la population viennoise, cela ne signifie nullement qu’elle a perdu son identité. C’est ce que rappelait, au cours de l’après-midi, le président de la MCA, M. Resdikian : “En une journée comme aujourd’hui, nous ne pouvons pas ne pas avoir une pensée, une pensée toute empreinte de tendresse, de fierté et de respect pour tous ces anciens, tous ces Arméniens de la première génération qui ont su consentir les sacrifices nécessaires pour que la flamme ne s’éteigne pas … L’Arménien des années 80 ne ressemble plus au réfugié d’autrefois, son intégration à la société française, à la vie française, est totale. Mais cette intégration n’est en rien synonyme d’assimilation. Le citoyen français d’origine arménienne n’oublie pas son passé et sait qu’il a un avenir. Pour répondre aux problèmes nouveaux auxquels doit faire face notre communauté et pour pouvoir regarder avec sérénité cet avenir, il fallait des moyens nouveaux et plus efficaces. Depuis plusieurs années se faisait sentir la nécessité d’un centre pouvant tout à la fois servir de siège aux associations existantes et de lieu de rencontre hebdomadaire, voire quotidien, et susceptible en outre de donner une dimension nouvelle à la vie culturelle et associative locale. Aujourd’hui le rêve est devenu réalité”.
Les assistants avaient pu se rendre compte, quelques minutes auparavant, du résultat des travaux et des installations mises à la disposition du public : la communauté arménienne, mais aussi – pourquoi pas ? – tous les Viennois qui s’intéressent à l’histoire et à la culture arméniennes, ou à sa gastronomie, puisqu’un restaurant fonctionnera bientôt.
On trouve une grande salle d’accueil, deux salles de classe, un bureau (pour le permanent dont on espère bientôt la venue), une bibliothèque, une salle polyvalente pouvant recevoir une centaine de personnes.
Le montant de la rénovation et de l’achat du mobilier s’est élevé à 1 150 000 F. Le financement a été assuré par une subvention de la ville de Vienne (320 000 F), du Conseil général de l’Isère (320 000 F) et des dons divers (350 000 F).
Répondant aux mots de bienvenue et au discours du président Resdikian, M. Mermaz se déclara “ému d’inaugurer la Maison de la Culture Arménienne de Vienne, d’autant plus que nous célébrons cette année le 70e anniversaire du génocide, décidé, planifié, exécuté froidement contre un peuple et une culture millénaires par l’Empire ottoman”.
Ayant évoqué la contribution de la population arménienne dans les domaines les plus divers, le maire de Vienne poursuivit : “L’un des atouts essentiels de notre pays tient dans la diversité des hommes et des cultures. Il importe que votre communauté ne perde pas contact avec ses racines, ses origines, sa langue, ses traditions culinaires, son folklore, car en conservant vos références culturelles, vos enfants garderont l’espoir de voir reconnue un jour par la communauté internationale la réalité historique du génocide. Cela, la morale de la société internationale et la dignité du peuple arménien, mais aussi la dignité de tous les peuples l’exigent”.
Alors que le vice-président de la MCA lisait de multiples messages d’encouragement souvent accompagnés de chèques, de nombreux donateurs, répondant à l’appel des responsables de la MCA, apportèrent eux aussi leur contribution. C’est ainsi que, pendant que les invités se pressaient autour d’un buffet dressé dans la cour, près de 50 000 F supplémentaires furent recueillis pour permettre l’achèvement des travaux et le fonctionnement de la Maison de la Culture.
La Maison de la Culture Arménienne est née. Il lui reste à grandir et à prospérer. Si l’on se réfère à l’enthousiasme et à la ténacité de ses dirigeants, à la solidarité financière de toue la population viennoise, à la sympathie de la diaspora arménienne en France, son avenir est assuré.
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INAUGURATION DE LA BENJAMINE
DES MAISON DE LA CULTURE ARMENIENNE
( Hasmig Papazian – Gamk – 25 septembre 1985 )
Les Maison de la Culture foisonnent en France depuis une vingtaine d’années; leurs fonctions et leur rôle sont très importants, dans les petites agglomérations en particulier. C’est dans ces Maisons que les jeunes qui veulent occuper leurs heures de loisir et rencontrer des amis, viennent assister à des programmes artistiques ou à d’autres distractions qui touchent, de près ou de loin, à la Culture.
Les Arméniens, entraînés par le courant, ont pensé qu’ils pouvaient, eux aussi, ouvrir des Maisons de la Culture, mais d’une Culture spécifique, celle de leurs origines. Cette démarche a été le plus souvent bien accueillie et les Maisons ont réussi à drainer une multitude de jeunes – mais aussi de moins jeunes – qui n’avaient pour lieu de rencontre arménien que nos églises.
Marseille, Paris, Alfortville, Lyon, Décines, Valence, Issy-les-Moulineaux ont ouvert leurs portes à tous ceux qui après avoir savouré les joies de la Culture française – cinéma, théâtre, etc. – désirent, de temps en temps, se retremper dans un autre folklore, entendre et parler une autre langue avec des amis dont ils partagent les sentiments et les ressentiments, les joies et les émotions, les objectifs et les idéaux.
Vienne, petite ville à l’échelle de la France, mais grande pour la communauté arménienne de France par l’importance de l’implantation, n’avait pas encore sa Maison; l’école hebdomadaire est l’une des plus fréquentées de France, la Croix Bleue compte des membres particulièrement actifs, la FRA est présente, la Maison était donc une nécessité impérative pour regrouper sous un même toit tous ces Viennois.
Désormais, les Arméniens de Vienne ont leur Maison de la Culture.
Située face au théâtre antique de Vienne, la maison s’étend sur quatre niveaux et possède actuellement un foyer, une salle polyvalente d’une capacité de 100 personnes, un bureau, et l’on envisage prochainement l’ouverture d’une bibliothèque. Le coût de la rénovation de la maison d’origine s’élève à 1 150 000 F, rénovation qui n’aurait pu se faire sans les subventions accordées par le Conseil municipal (320 000 F), le Conseil général (320 000 ) et les multiples dons provenant de la communauté (350 000 F).
Inaugurée officiellement le 22 septembre 1985 en présence de Louis Mermaz, Président de l’Assemblée nationale et Député-maire de Vienne, cette maison témoigne de la volonté que la communauté viennoise de ne pas s’assimiler. Ainsi que le dit M. Assadour Resdikian, Président de la MCA, “L’intégration à la société française de l’Arménien des années 80 est totale. Mais cette intégration n’est en rien synonyme d’assimilation, le citoyen français d’origine arménienne n’oublie pas son passé et sait qu’il a un avenir”. Ce dernier reposant pour beaucoup sur les enfants de la 3e génération, les activités de la MCA, qui débuteront dès la fin du mois de septembre, s’adressent tout particulièrement à eux.
M. Louis Mermaz a, lors de son discours, réaffirmé la position de la France vis-à-vis des Arméniens. Il a donné pour exemple la déclaration faite par le Président de la République, M. François Mitterrand, en janvier 1984 en cette même ville de Vienne, et il a rappelé le rôle joué par les représentants français à l’ONU tout au long de “l’affaire du paragraphe 30”, donnant à ses parole une dimension avant tout politique et nationale. Il a également apporté son témoignage personnel d’amitié à la communauté arménienne de Vienne en offrant à M. Assadour Resdikian une photographie où l’on peut le voir au siège du Patriarcat de Jérusalem, ajoutant “même loin de France, je pense à vous”.
C’est par des télégrammes de sympathie adressés au bureau de la MCA de Paris, Alfortville, Marseille, Valence et Décines, ainsi que le Comité central du Nor Seround ont tenus à être présents à cette journée d’inauguration. L’assistance fort nombreuse a, quant à elle, pris part au futur développement des activités de ce nouveau centre par des dons dont le montant s’élève à 52 000 F.
Car le problème qui se pose maintenant à la MCA de Vienne est d’assurer son fonctionnement, d’obtenir le financement nécessaire à la création des postes de permanents afin que ce centre puisse remplir et mener à bien la tâche qui lui est assignée. Souhaitons-lui bonne chance.