L’oeuvre de Maurice Der Markarian

( Marielle Dupessey – Vienne Informations – Juillet 1993 )

93Maurice Der Markarian expose cet été au collège Ponsard et au cloître St-André-Le-Bas. Toiles, dessins, lithographies et terres vernissées retraceront l’itinéraire de cet artiste hors du commun.
Maurice Der Markarian est né à Paris, en 1928, de parents ayant fui le génocide arménien. Derrière la douceur de l’homme, surgit la violence de l’artiste…
Aussi loin qu’il s’en souvienne, Maurice Der Markarian a toujours voulu faire du dessin et de la peinture son métier. A 12 ans, il devient l’apprenti d’un peintre arménien. Ce dernier va lui enseigner ce qui ne s’enseigne pas : la peinture comme obsession, la peinture-passion.
Mais Maurice Der Markarian apprend vite qu’il est difficile de vivre de son art et choisit alors la photographie comme gagne-pain, tout en suivant les cours du soir de l’Ecole des Beaux-Arts.
Au début des années 50, la maladie le pousse à s’éloigner de la capitale. En 1958, il s’installe aux Roches-de-Condrieu et rencontre Marthe. Il se marie, ouvre une boutique et un studio de prise de vue.
Maurice Der Markarian s’est toujours senti proche des peintres espagnols comme Goya ou Picasso. Goya pour son dessin, son sens du tragique contenu tout entier dans son trait, et Picasso pour ses expressions humaines.
Autre influence importante, aux antipodes des deux premières, celle de Bonnard, pour son extraordinaire et unique déploiement de la couleur.
Cependant, pour Maurice Der Markarian, le dessin est à la base de tout : “Il est l’armature à laquelle la couleur donne vie”. Au centre de sa palette, le rouge. La vie, la mort, la violence de l’amour, l’éclat de la musique passent chez lui par le rouge, à la fois symbole et réalité.
Attiré très tôt par la technique de la terre vernissée, Maurice Der Markarian a commencé à travailler avec Jean-Jacques Dubernard (le potier de la poterie des Chals, à Roussillon) à la fin des années 80. “On ne peut pas dominer une poterie comme on domine une toile. C’est la terre, l’eau et le feu qui commandant. Rien n’est jamais sûr quant au résultat, il y a une grande part de hasard”, explique l’artiste.
Le travail de la couleur est aussi très différent. Le jeu consiste à obtenir les effets les plus subtils avec 5 ou 6 couleurs de base. Jean-Jacques Dubernard travaille comme les potiers d’antan. Il prépare lui-même son argile, tourne au pied et cuit au bois : autant de paramètres d’incertitude et d’authenticité. L’ouverture du four est un instant magique car, du projet au résultat, grande est la part de surprise …
Michel Bouvard, dans la monographie consacrée à l’artiste par le collège Ponsard, écrit : “Quelque chose comme une nostalgie de l’Arménie est passé dans l’inconscient de l’enfant, né sur une terre inconnue, qui n’est pas celle de ses ancêtres… L’arménité ne se dilue jamais complètement, même à dose homéopathique, et l’on se condamnerait à ne pas totalement appréhender les lignes et les couleurs de Maurice Der Markarian si l’on oubliait cette part essentiel de lui-même … L’Arménie est l’une de clés, la plus profonde peut-être, de l’oeuvre de Maurice Der Markarian.